L’évolution de la Dotation Générale aux Communes
Après avoir fait l’analyse de l’évolution de la Dotation Générale aux Communes ces 20 dernières années, je pense qu’il est toujours bon d’effectuer un travail de recul et d’analyse sur un mécanisme aussi essentiel que celui de la dotation générale aux communes (DGC). J’ai toujours soutenu - et je continue à soutenir - ce mécanisme indispensable de solidarité entre les communes. Dans une Région comme la nôtre, il est essentiel d’aider les communes qui éprouvent incontestablement des besoins et des difficultés en termes de recettes ou d’obligations de dépenses.
La DGC a connu une augmentation importante au cours des dix-huit dernières années. Elle a connu une progression de 170% depuis 1989, soit une croissance moyenne de près de 3,5%, au-delà de l’indexation.
Par ailleurs, un écart significatif existe entre la commune recevant le plus gros subside de la DGC et celle qui reçoit le subside le plus modeste. Cet écart a considérablement augmenté entre 1989 – où il était de 163 euros par habitant par an - et 2008 - où il atteint plus de 400 euros par habitant par an. Cela signifie que l’effort de solidarité a été multiplié par 2,5. Et ces chiffres tiennent compte du boom démographique.
Je ne remets nullement en cause ce mécanisme utile et salutaire. Mais il convient de l’analyser en prenant en considération l’ensemble des communes.
Dans certaines communes dites « privilégiées », la DGC n’a pas progressé entre 1989 et aujourd’hui, malgré l’indexation.
En dépit de l’intervention d’autres mécanismes, cette dégradation de l’apport en valeur réelle de la Région contraint les communes soi-disant aisées à augmenter leur fiscalité.
En règle générale, elles augmentent la fiscalité au précompte immobilier. On tombe alors dans un paradoxe. D’une part, la Région bruxelloise a la volonté de ne pas alourdir la fiscalité. D’autre part, on sait aussi que l’aggravation de la fiscalité est un facteur, sans être le seul, d’érosion de la classe moyenne à Bruxelles. Le départ de ménages à revenu moyen entraîne la diminution de l’assiette fiscale de Bruxelles, ce qui est contraire aux politiques que nous menons.
L’effet pervers est double. Les communes obligées d’augmenter leur fiscalité, car les recettes issues de la DGC diminuent en valeur réelle, sont doublement pénalisées. En effet, le calcul de la DGC se base sur les recettes par habitant. Or, l’augmentation de la fiscalité se répercute sur le facteur recettes, la dotation incluant, premièrement, la superficie et le nombre d’habitants, deuxièmement, les recettes et, troisièmement, un critère plus social (nombre d’élèves, de minimexés, de chômeurs, présence ou non d’un EDRLR sur le territoire).
Outre la création d’une situation supplémentaire de dégradation de la concurrence fiscale - qui risque de continuer à encourager le départ des Bruxellois à capacité contributive et donc à détériorer l’assiette fiscale et la solidarité -, les communes qui doivent augmenter leur fiscalité sont à nouveau pénalisées au niveau de la DGC car leurs recettes devant augmenter, la DGC diminuera. On pourrait parler d’un cercle vicieux.
Il ne s’agit pas ici de verser dans la caricature. Pour ma part, je représente une commune qui fait le plus gros effort de solidarité par tête d’habitant. Je ne mets pas en cause les mécanismes de solidarité, mais j’affirme qu’il existe un phénomène pervers formellement avéré, à savoir que certaines communes reçoivent, dans le cadre de la DGC, moins en 2008 qu’en 1989, alors que le revenu moyen dans ces communes a baissé plus rapidement que le revenu moyen bruxellois. Ces communes sont donc 2 fois plus solidaires qu’elles l’étaient dans les années 90 alors que la pauvreté a augmenté. Il y a quelque chose d’autant plus injuste que cette solidarité forcée au niveau de la DGC devrait à tout le moins permettre à tous les Bruxellois de bénéficier de services avec une intervention régionale similaire. Or il n’en est rien, nombre de politiques sont des politiques réservées, presqu’exclusives, et les habitants de ces communes sont de plus en plus « abandonnés » des politiques régionales.
A titre d’exemple, les critères de la DGC considèrent 2 critères en recettes, celui de l’IPP et celui du PRI, il serait opportun de rajouter d’autres sources de recettes (taxes de bureau, taxes d’hôtels, taxes de stationnement) ; il y a également dans la Dotation Générale aux Communes la prise en compte du critère de l’EDRLR qui exclut de 20% de la DGC pas moins de 6 communes représentant 22% de la population et 20% de la population précarisée de Bruxelles.
Les zones EDRLR sont dépassées, et de nombreuses études universitaires comme celle de Christian Vandermotten, publiée en 2007 par le SPF Intégration sociale et Politique des grandes villes montrent qu’à côté des quartiers fragilisés de la seconde couronne, ce sont développées des poches de pauvreté dans la seconde couronne…
La DGC réintervient dans de nombreuses politiques, pour pondérer celles-ci, de sorte qu’on voit des leviers de leviers captant l’ensemble des moyens. La dotation de l’échevin flamand par exemple n’a plus rien à voir avec l’objectif d’accueillir et de représenter la minorité flamande à Bruxelles. Un échevin flamand vaut 5 millions d’euros à Molenbeek, 300.000 € à Watermael et 800.000 € à Uccle.
En ce sens, en revoyant les critères, on pourrait tendre vers plus d’objectivation des besoins et des moyens. Vous avez plaidé pour prendre un critère de croissance démographique, je pense que ce critère est déjà représenté dans la DGC à travers le nombre d’habitants. Il serait injuste d’en rajouter une variante « accroissement » en particulier pour les communes ayant contribué fortement à cette croissance ces dernières années et qui connaîtront donc une croissance plus faible que celles qui ont connu une plus faible croissance. En revanche le critère du taux de chômage a le mérite d’objectiver les besoins dans les différentes communes et d’être un critère bien plus social que celui de l’EDRLR qui est un critère binaire incluant ou excluant. Mais en tout état de cause, il me semble de moins en moins équitable de construire une solidarité « générale » en excluant plus de 20% de la population.
Compte tenu de ce qui précède, mon interpellation portera sur les questions suivantes :
- Quelle est votre analyse du phénomène ? Quelle est votre lecture de l’évolution de la DGC ? Souscrivez-vous aux chiffres, qui se basent sur des données provenant de vos propres services ?
- Qu’en est-il de la promesse faite il y a deux ans d’imaginer un « cliquet » qui ne pénaliserait pas certaines communes et tiendrait compte de l’indexation des moyens ?
- Vous avez annoncé le 11 mars un total de près de 475 millions d’euros d’aides régionales à l’intention des 19 communes, pourriez-vous communiquer la ventilation de ces aides, commune par commune.
- Enfin, pouvez-vous me lister toutes les politiques régionales qui font intervenir le critère de la DGC ?